Catalogue

tisseurs au travail et
un atelier de rentrayage, Felletin`
Image © archives pinton

On trouve les premières traces du patronyme PINTON dans les relevés de tapissiers d’Aubusson au début du 16e siècle. Mais c’est à la fin du 18e, un siècle après que Colbert a délivré le titre de Manufacture Royale à la tapisserie d’Aubusson, que l’on peut remonter, sans le couper, le fil de la famille PINTON.

une histoire familiale,
fidèle à la tradition,
résolument moderne

Le «premier» Joseph

Né en 1770 à Aubusson, Joseph exerce plusieurs métiers de tisserands mais en se spécialisant dans des textiles à la mode de l’époque. Il démontre par là un esprit d’entrepreneur, réceptif aux tendances de son temps. Une caractéristique qui va marquer toute sa descendance. Son fils Mathieu, inscrit dans ces mêmes relevés comme tapissier ou fabricant de tapis, épouse la fille d’un autre fabricant de tapis installé à Felletin. Par cette union, la famille PINTON tisse un premier lien entre Aubusson et Felletin.

Aubusson, Felletin, Paris

A la fin du 19e siècle, parmi les enfants issus de ce mariage, Joseph (le deuxième !) et son frère Olivier s’installent à Paris comme négociants en tapis mais également comme représentants de commerce pour la maison Bournaret, une fabrique de tissage de tapis à Felletin, créant ainsi un deuxième lien avec la ville… Et un premier établissement dans la capitale.

Le fonds Wotowski-Bayard

Le mariage d’Olivier en 1892 est un acte fondateur de l’histoire de la famille PINTON. En effet, sa jeune épouse est la petite fille de Joseph Wotowski. Issu d’une famille de la noblesse polonaise, ce dernier s’installe à Aubusson et devient très vite un notable incontournable de la ville. Il créera avec son gendre la manufacture Bayard Wotowski dont le fonds documentaire et le réseau de clientèle reviennent à la famille PINTON du fait de ce mariage.

dessins choisis
gouache sur papier
image © archives PINTON

De frères en frères

A la mort d’Olivier, ses fils Jean et Louis prennent la suite, l’un à Paris comme commerçant, l’autre à Felletin à la tête de l’entreprise. Et si leurs premières fabrications reprennent des modèles anciens, ils se mettent peu à peu à tisser des artistes contemporains. Judicieux et inspirés, les deux frères vont déployer cette activité grâce à leur collaboration exclusive avec Jacques Adnet architecte, designer et éditeur talentueux d’artistes de l’époque. C’est également à cette période que Jean acquiert la manufacture Bournaret, qui occasionne l’arrivée d’autres peintres cartonniers.

L’après-guerre : une renaissance de la tapisserie

Sous l’impulsion de Jean Lurçat qui emmène dans son sillage des artistes exceptionnels, la tapisserie d’Aubusson prend un nouvel élan. En effet, le peintre s’installe en 1938 à Aubusson dans le but d’y renouveler la tapisserie. Il y développe la technique du carton numéroté : l’objet est dessiné à taille réelle, les couleurs sont indiquées par des numéros, et la palette des coloris est réduite, « Chacun y gagnait : l’artiste en fidélité à cent pour cent d’exécution, l’atelier en rapidité de tissage » écrira l’artiste dans « Le Bestiaire dans la tapisserie du Moyen-Âge ». Le retour en grâce du tapis d’art accompagne cet essor, et la manufacture PINTON tisse ainsi des œuvres de Calder, Le Corbusier, Fernand Léger, entre autres !

Le « deuxième » Olivier

Jean PINTON, porté par la croissance renouvelée de son entreprise, diversifie les services de la maison en créant un département dédié à la moquette, au tapis tufté et un service de pose et de conseils. Olivier PINTON, son fils, qui reprend la direction en 1967, fait construire un nouvel édifice aux lignes modernes, dessiné par l’architecte Jean Willerval.

extrait du registre des ventes
Felletin, 1947

image © archives PINTON

dessins choisis
gouache sur papier
image © archives PINTON

PINTON aujourd’hui

En 2002, Lucas PINTON n’a que 23 ans quand son père François, lui propose de prendre la tête de la manufacture familiale, alors proche de la faillite. Il quitte Paris où il terminait ses études d’économie à l’université d’Assas pour se dédier au renouveau de la maison PINTON. Son enfance en banlieue parisienne, loin des ateliers creusois, ne le prédestinait pas forcément à cette tâche, mais il revendique un lien inconscient qui le reliait à l’entreprise de Felletin. Il retrouve des photos, de la correspondance datant de l’époque où la manufacture produisait les œuvres de Sonia Delaunay, Le Corbusier, Fernand Léger et bien d’autres et décide alors de renouer avec l’héritage unique et visionnaire de PINTON. Animé par son âme d’entrepreneur et son amour de l’art, Lucas PINTON, va multiplier les initiatives. La maison PINTON va ainsi collaborer avec de grands artistes contemporains et des designers de renom pour ses éditions de tapis et tapisseries d’art. La gamme des moquettes, des produits sur mesure, ou de tapis finis en taille standard n’est pas en reste et se déploie dans un vaste éventail de choix de matières, d’auteurs, de couleurs…

Lucas PINTON dépoussière ainsi l’image vieillissante de la tapisserie et du tapis d’Aubusson, l’inscrit dans le monde actuel. Il élargit également le registre des prestations de la maison et travaille avec des marchés spécifiques comme le yachting et l’aviation, les boutiques et l’hôtellerie de luxe, ou encore le monde institutionnel des ministères et des ambassades. Il développe ainsi une image de marque à l’échelle internationale. Renforcée par l’obtention du label Entreprise du Patrimoine Vivant et de l’Indication Géographique Tapis d’Aubusson et Tapisserie d’Aubusson, la manufacture PINTON est aujourd’hui une référence incontournable. Or elle reste avant tout une entreprise familiale, animée par des hommes et des femmes qui partagent la même passion pour leur métier et le même désir de transmettre et de partager. Fort de ces multiples accomplissements, Lucas PINTON reste humble et curieux, motivé par de nombreux projets, enthousiasmé par de nouvelles collaborations… De quoi réinventer sans cesse l’entreprise familiale !

Les constructeurs jaunes
240×170 cm, édition N°1/6
tapisserie d’après un dessin original
de l’artiste Fernand Léger

Chez PINTON, le savoir-faire n’est pas un mot vain ni galvaudé. Des techniques maîtrisées, des hommes et des femmes sensibles et passionnés, une attention particulière portée à la provenance des matières comme aux matières elles-mêmes, une valorisation des échanges de compétences et de connaissances, tout cela et plus encore participe à l’expertise de la maison.

Jacques Bourdeix cartonnier &
coloriste devant une tapisserie
d’Alexandre Calder
.

Cartonniers
et couleurs

Penché et concentré sur sa composition minutieuse, le cartonnier ou la cartonnière reproduit à l’envers l’œuvre créée par l’artiste sur un carton à l’échelle de la tapisserie. Trait d’union en l’art et l’artisanat, le carton est la traduction de la peinture en future tapisserie, un patron en somme. Il sert également pour la sélection des couleurs qui vont être utilisées lors du tissage : toutes numérotées et reportées sur le carton, elles vont être choisies par le cartonnier qui va s’appliquer à être le plus fidèles possible à l’œuvre. Il constituera alors le chapelet, cet échantillonnage des différentes teintes nécessaires, réunies en petits écheveaux noués entre eux. Ce travail est primordial pour donner toute son ampleur à la tapisserie. Pour faire un joli rouge, on prend des rouges différents et on a une couleur qui bouge, qui vibre, qui vit, explique Jacques Bourdeix, cartonnier chez PINTON pendant plus de cinquante ans. Le carton est glissé sous les fils de chaîne et maintenu à l’aide d’épingles et guide le lissier dans son tissage. Le fond d’archives de la maison compte plus de 4000 cartons originaux de tapis anciens qui peuvent être reproduits sur commande.

« Ce que je préfère dans mon métier c’est le travail de la couleur et l’écriture du carton. La transposition des œuvres, c’est à dire la réinterprétation en fil d’une peinture ou d’une photographie, était pour moi le plus important. Je suis heureux d’avoir pu, au cours de ma carrière, rencontrer de nombreux artistes. »

Picasso devant sa tapisserie
« Les clowns » en compagnie de Pierre Baudoin.

image © galerie Antonio Verolino

la maison pinton ou la maîtrise de l’art de la tapisserie d’aubusson

La tapisserie d’Aubusson : une tradition séculaire

La tapisserie d’Aubusson se pratique sur un métier dit de basse-lisse. Ce métier est horizontal et l’artisan tapissier ou lissier tisse la tapisserie sur l’envers en passant les fils de trames à l’aide d’une flûte. Il recouvre ainsi les fils de chaîne. Le modèle tissé a été au préalable dessiné par l’artiste et reproduit sur un carton. Le lissier en collaboration étroite avec l’artiste et avec l’aide du cartonnier, va s’employer à adapter au mieux les couleurs, les matières, les variations de tissage pour être au plus proche de l’œuvre. Par son geste précis et expert qui reste inchangé depuis près de six siècles, l’artisan met sa sensibilité et son savoir-faire au diapason de l’œuvre, au service de l’artiste. Et l’émotion est à son comble lors de la tombée de métier, quand ensemble, ils découvrent enfin le résultat de ce travail minutieux et de patience : l’intégralité de la tapisserie, sur son endroit.

Le tapis d’Aubusson : techniques et matières

Intrinsèquement lié à l’histoire de la tapisserie d’Aubusson, le tapis d’Aubusson peut être tissé au point noué sur un métier vertical, dit de haute lisse, entièrement à la main. Il peut être également tissé sur un métier de basse lisse ce qui donnera un tapis appelé « ras », puisque contrairement au tapis point noué, il n’y a pas le velours créé par le nœud. Enfin, le tapis d’Aubusson peut être également tufté. Il s’agit d’une technique plus récente où le canevas est tendu sur le cadre sur lequel le motif à échelle est reporté à la main. L’implantation des fils, brin par brin, est assurée manuellement par un pistolet sur l’envers du canevas. Ces différents procédés demandent de l’expertise, une maîtrise des gestes et une connaissance approfondie des matières. La fabrication du tapis peut exiger l’usage de certaines matières brutes, parfois plus difficiles à manier que d’autres. Elle peut nécessiter également l’agencement d’inserts ou de mélanges matières…

Transmettre pour
perpétuer
l’art de bien faire

Depuis la création de l’entreprise, nos artisans hautement qualifiés se sont engagés à partager leur savoir-faire. Maison PINTON encourage le transfert de compétences et la découverte des vocations en organisant des visites de la manufacture et en établissant des partenariats avec des étudiants en art – certains viennent même se former chez PINTON. D’autres étudiants sont en apprentissage suite à une reconversion professionnelle. Acquérir les compétences nécessaires pour créer des tapisseries à basse-lisse nécessite quatre années de formation. Certains de nos anciens apprentis sont restés dans nos ateliers et forment aujourd’hui les artisans de demain !

Cartonnier :
un métier
hors du commun

Dans le processus de fabrication d’une tapisserie, le cartonnier occupe un poste clé. Son talent et son savoir-faire sont décisifs pour une interprétation réussie du dessin au tissage. Véritable trait d’union entre le peintre et le(s) lissier(s), le carton composé par le cartonnier va servir de patron lors du tissage. En effet, le cartonnier se saisit du modèle crée par l’artiste pour le reporter à l’échelle de la tapisserie. Il le reporte également à l’envers, puisque le carton est glissé sous les fils de chaîne du métier à tisser. Parfois l’artiste est son propre cartonnier. Ainsi Le Corbusier crée son premier modèle et carton de tapisserie en 1936 à la demande de la collectionneuse Marie Cuttoli. Après cela, il n’en réalisera pas moins d’une trentaine dont beaucoup seront tissés par PINTON.

Chez PINTON, le métier de cartonnier ne s’apprend pas mais se transmet. Jacques Bourdeix, cartonnier et coloriste chez PINTON depuis 1970, est une figure incontournable du métier. Nommé Chevalier des Arts et des Lettres en 2000, il partage son savoir-faire et son expertise acquis le long de ses collaborations avec Alexander Calder, Etel Adnan, Fernando Botero et bien d’autres…

Lettre de Calder
à la manufacture PINTON

image © archives PINTON