Sonia Delaunay
collection PINTON
La première mention de tapisserie dans le comté de la Marche apparaît en 1456 à Felletin. Depuis la tapisserie d’Aubusson a connu un premier essor remarquable, traversé quelques aléas et retrouvé ses lettres de noblesse, son identité, si bien que depuis le XIXe siècle, le mot aubusson est devenu un nom commun.
la tapisserie d’Aubusson :
légendes,
histoire et héritage
Des origines énigmatiques
Les origines de la tapisserie d’Aubusson demeurent mystérieuses et se nourrissent de légendes variées. Pour certains, la tapisserie d’Aubusson remonterait aux sarrasins qui se seraient établis dans la région après leur défaite à Poitiers en 732. Au XIXe siècle, George Sand évoque des tapisseries fabriquées à Aubusson pour décorer les murs de la tour de Bourganeuf, à 40 km d’Aubusson, où le Prince Zizim était prisonnier au XVe siècle. Il n’en faut pas plus pour alimenter un nouveau mythe selon lequel le Prince en exil aurait emmené avec lui des tisserands turcs qui y auraient alors implanté leur technique. Enfin, beaucoup défendent l’idée selon laquelle elle aurait été introduite par Louis 1er de Bourbon, compte de la Marche, et son épouse, Marie de Heinaut, qui auraient fait venir des lissiers flamands à Aubusson et Felletin. Tous reconnaissent néanmoins que la Creuse et ses eaux acides permettent de dégraisser les laines et d’alimenter les teintureries.
Du XVe au XVIIe : verdures et scènes mythiques
A la fin du XVe et tout au long du XVIe siècle, la tapisserie d’Aubusson connaît une belle popularité. C’est l’apogée des verdures : plus floraux, dits « mille fleurs » au XVe siècle, les motifs au XVIe siècle sont à feuilles de choux ». Les scènes centrales s’inspirent de scènes de chasse, de récits religieux ou mythologiques, avec une nature foisonnante et mystérieuse où évoluent animaux réels ou fantastiques. Au XVIIe, les sujets changent et certains s’inspirent dorénavant des romans galants.
La noblesse européenne se passionne très vite pour la tapisserie. Les grandes tentures narratives qui rassemblent plusieurs scènes de la même histoire sont tendues sur les murs des châteaux pour créer de riches décors et isoler des courants d’air.
tapisserie ancienne
collection PINTON
139×154 cm
scène galante
manufacture d’Aubusson XVIIIème siècle
260×230 cm — collection PINTON
La tapisserie
d’aubusson au XXIe
A la fin du XXe siècle, la tapisserie s’essouffle quelque peu. De nombreux artisans partent à la retraite. Or, malgré la création de l’ENAD, aucun corpus des techniques de tissage n’a été écrit. La transmission du savoir-faire est ainsi mise à mal.
D’autre part, la tapisserie n’est plus à la mode, elle semble appartenir à un passé révolu, aux décors désuets des salons bourgeois d’autrefois. Mais portée par son classement au Patrimoine Culturel Immatériel de l’Humanité de l’UNESCO, Aubusson expérimente à nouveau. Grâce, entre autres, à la maison PINTON qui renoue des relations privilégiées avec les artistes. Plasticiens, designers, peintres ou street artistes sont invités à collaborer avec les artisans et investissent le marché international de l’art contemporain avec leurs créations originales. Chaque modèle est limité à 8 exemplaires, et tissé du numéro de l’exemplaire, de la signature de l’artiste et du sigle de l’atelier. Héritier de cette longue tradition, avec une volonté farouche de former régulièrement de nouveaux lissiers et de développer plus encore l’innovation, PINTON continue d’écrire l’histoire de la Tapisserie d’Aubusson.
1665 : naissance de la manufacture royale d’Aubusson
Au XVIIe siècle Louis XIV ratifie les Ordonnances et statuts des marchands, maîtres et ouvriers tapissiers de la ville d’Aubusson qui établissent un certain nombre de règles dont le contrôle de la qualité des matières premières et des produits finis, ou le tissage de la marque MRDA pour Manufacture Royale d’Aubusson en lisière de chaque tapisserie. En effet, Colbert autorise chaque atelier d’Aubusson à porter le titre de Manufacture Royale de Tapisseries sans pour autant regrouper les lissiers au sein d’une grande manufacture. Avec la révocation de l’Édit de Nantes en 1685, la profession de lissiers est sévèrement touchée car un grand nombre d’entre eux est protestant. Ils sont alors plus de 200 à quitter la ville.
Du XVIII au XXe siècle : déclin et renaissance de la tapisserie d’Aubusson
Après cette période difficile, la manufacture est réformée au XVIIIe siècle et connaît un nouvel essor. Les goûts se transforment et les tapisseries présentent des scènes tirées de sujets profanes, images champêtres et jeux d’enfants, ainsi que des chinoiseries très en vogue à l’époque. La révolution industrielle au XIXe siècle voit se développer de grandes manufactures qui maîtrisent toute la chaîne de production, de la peinture des cartons au tissage en passant par le filage et la teinture de la laine. C’est aussi l’avènement de la tapisserie d’ameublement : chaises, fauteuils, paravents ou malles s’habillent de pans tissés. Mais la tapisserie en tant que telle passe au second plan au profit des tapis ras ou au point noué. L’ENAD, l’École Nationale d’Art Décoration d’Aubusson, qui vient d’être créée, et ses directeurs successifs, notamment Antoine-Marius Martin ou Jean Lurçat, vont lui donner une nouvelle impulsion. Réduire le nombre des couleurs, utiliser des fils plus gros pour le tissage, numéroter les cartons selon les couleurs, tout cela va contribuer à révolutionner la tapisserie et attirer de grands artistes comme Calder, Vasarely, les Delaunay ou encore Picasso qui associent le savoir-faire des cartonniers et de lissiers à leurs créations.
article, extrait du journal
le bien public, 1982
image © archives PINTON